Le temps me dure - Correspondance de guerre (1914-1918)

      Depuis longtemps, je savais qu'il me faudrait un jour mettre le nez dans l'album de cartes postales de ma grand-mère. Je le connais depuis toujours : lourd, gris, avec de jolies fleurs aux couleurs naïves peintes sur la couverture. Le carton en est bien fragile: il tient par habitude et optimisme. A l'intérieur, les pages noires sont prédécoupées, de façon à accueillir cinq cartes par page. Il y a, en tout, 469 cartes.

 

      La plupart, en noir et blanc, sont envoyées d'un peu partout en France. Au verso, des textes confus, écrits souvent au crayon. Il y a aussi des cartes en couleur, représentant des enfants en prière ou des femmes pâmées dans les bras d'un beau militaire. Avec des légendes xénophobes à vous faire dresser les cheveux sur la tête.

 

      Petite, j'aimais bien regarder ces photos anciennes. Ensuite, j'ai relégué l'album sur une étagère, avec la mention « un jour peut-être ». Je savais que l'ouvrir, c'était s'y perdre. Et puis en octobre dernier, j'ai pensé qu'il était temps de lire le verso des cartes. Et comme prévu, je m'y suis perdue, voire engloutie. Mais pour en resurgir plus riche, et emplie d'une tendresse plus profonde pour cette famille d'anonymes qui est la mienne.